Au micro d’Initiale #7 - Pierre Cheminade, rédacteur en chef de La Tribune à Bordeaux

Figure incontournable du journal La Tribune à Bordeaux, il connaît le tissu économique et politique local mieux que personne. Avec son sac à dos, son vélo, ses scoops et ses questions jamais complaisantes, Pierre Cheminade s’est taillé une place de choix dans le paysage médiatique bordelais. Rencontre avec un amoureux de son métier pour cette 7e édition du Micro d'Initiale.

Peux-tu revenir sur les temps forts de ton parcours ?

J’ai commencé à l’agence de presse professionnelle AEF sur les questions d’urbanisme et de logement. J’y suis resté 4 ans, avant de rejoindre la Gazette des Communes, un titre de presse spécialisé collectivités – web et print avec son hebdo, ce qui implique une importante production éditoriale. J’étais alors en charge des sujets finances locales : je suivais les débats au Parlement et les relations élus/ministères.
En 2017, j’ai rejoint la rédaction de La Tribune à Bordeaux, dont je suis rédacteur en chef depuis 2020. Mes interlocuteurs et mes sujets ont changé ! Les premiers ont rajeuni (rires), je suis passé des sénateurs aux startupers ; les seconds sont devenus plus variés car l’économie locale c’est à la fois l’industrie, l’immobilier, l’agriculture, l’énergie, la mobilité, l’aéronautique, l’ESS…

Qu’aimerais-tu dire au jeune Pierre Cheminade qui sort de l’IPJ (Institut Pratique du Journalisme), à l’aube de sa carrière ?

J’ai été diplômé en pleine crise des subprimes. A l’époque, on se questionnait sur les débouchés, on avait peur de ne pas trouver de travail. Alors je dirais au jeune Pierre que du boulot, il y en aura parce que les médias ne cessent de se réinventer et qu’il y a plein d’opportunités.
J’ai une formation radio à l’origine, et il se trouve que le média de la voix s’est énormément transformé depuis 10 ans avec l’apparition des podcasts, des formats longs. Par exemple, la plateforme de Radio France est incroyablement riche. Donc je lui dirais aussi peut-être de persévérer dans la radio ! 

Depuis 2017, comment est structurée l’équipe de La Tribune et comment s’organise votre vie interne ?

Nous sommes 2 journalistes en CDI à temps plein et nous travaillons avec des pigistes à Bordeaux, Anglet et Limoges pour couvrir la région Nouvelle-Aquitaine. On n’a pas de périmètre délimité, on travaille en fonction des appétences de chacun. Si l’un de nous suit un secteur, une entreprise, une problématique, il restera un peu naturellement sur ses sujets parce qu’il a le recul, l’historique et les relations. 
Par ailleurs, on travaille tous les jours avec la rédaction à Paris et les autres journaux pour coordonner l’offre de La Tribune qui est un seul et même journal. Le titre a été racheté par CMA-CGM en juillet dernier avec l’ambition de monter en puissance éditoriale avec des recrutements, des budgets, et le lancement de La Tribune Dimanche le 7 octobre dernier.

Dans le film Les Algues Vertes, une phrase a retenu notre attention. "Les journalistes locaux savent tout mais ne peuvent rien dire. Les journalistes nationaux ne savent rien mais peuvent tout dire". Toi qui a travaillé en national et en local, que penses-tu de cette affirmation ?

C’est un peu caricatural, même si oui, à Paris, il y a beaucoup plus de titres en concurrence, la pression politique s’exerce donc moins facilement.
En local, il n’y a parfois qu’un titre de presse. Cela pose problème d’un point de vue démocratique : il peut arriver qu’un journaliste n’ait soudain plus accès à certaines infos du conseil municipal par exemple à la suite d’un papier qui n’aurait pas plu. Dans ce cas, c’est le travail du rédacteur en chef et du journal de soutenir son journaliste - et personnellement j’ai toujours bénéficié de ce soutien partout où je suis passé.
Cette situation est quand même moins vraie aujourd’hui avec la très grande diversité de titres, l’arrivée des sites d’info pure player - je pense à Média Cités, Rue 89… - et la tendance des médias nationaux à staffer leurs bureaux en région.

Que peut-on souhaiter à La Tribune à horizon 5 ans ?

En 2025, La Tribune fêtera ses 40 ans. On peut lui souhaiter un nouveau site Internet, prévu en fin d’année si tout va bien ! Nous avons une dynamique ascendante en termes de lectorat, d’abonnement, de notoriété. La Tribune Dimanche connaît un très bon démarrage. Il faut nous souhaiter que tout cela tienne sur la durée. Et aussi des postes à Bordeaux, ce qui montrera que l’économie fonctionne dans les territoires !

Cite-nous le média…

  • Dont tu salues l’évolution ces dernières années ?
    Le Monde par sa capacité à transformer les lecteurs papier en abonnements web et à proposer régulièrement des formats efficaces : des lives - sur Gaza, l’Ukraine, des événements ponctuels en France -, des vidéos, de l’audio, des infographies, du datajournalisme, des reportages d’information en open source…
     
  • Que tu conseillerais à tes enfants ?
    J’aime Lire pour les enfants, Alternatives Economiques pour les ados ! Mais peu importe le média, il est important de lire dès le plus jeune âge pour apprendre à structurer sa pensée, pour comprendre le monde et donner l’habitude de lire la presse.
     
  • Que tu souhaiterais lire ou écouter plus souvent si tu avais le temps ?
    La presse nationale papier que je lis sur Internet. En vacances par exemple, j’adore acheter un quotidien en print. Dans la vie de tous les jours, j’aimerais avoir le temps de lire plus souvent sur papier.
    Sinon, j’aime Society que j’achète quand je prends le train, ce titre a fait beaucoup de bien à la presse magazine avec ses excellents reportages. Et enfin, La Croix Hebdo, un format original avec de la poésie, de la BD, qu’on n’attendait pas, et beaucoup de sujets de fond.
     
  • Que tu aurais voulu créer ?
    Un webdocumentaire comme peuvent le proposer Les Échos ou Le Monde, avec une vraie approche visuelle pour prendre le lecteur par la main, des graphiques et de l’audio. Ce type de format m’intéresse car il permet d’aller chercher des lecteurs plus jeunes. Moi je sais faire mon métier de journaliste, je sais chercher l’info, la vérifier, l’écrire. Ce que je maîtrise moins, ce sont les leviers pour attirer de jeunes lecteurs.
     
  • Qui manque à Bordeaux ?
    Un Média-Cité même si Rue 89 fait du bon boulot. Ces deux médias n’ont pas d’annonceurs et ne vivent que des abonnements. Que des gens payent pour lire de la presse, c’est hyper important.

Les ingrédients pour que la relation journaliste / attaché de presse fonctionne ?

Pour que notre collaboration permette une vraie valeur ajoutée, il faut que l’attaché de presse lise nos articles et nous propose des sujets en lien avec notre ligne éditoriale. Autre élément important : de la réactivité, aussi bien côté journaliste que côté attaché de presse.
Avec tout ça en général, ça se passe très bien !